« Pucelles à vendre, Londres 1885. Le scandale qui ébranla la société victorienne » est un reportage de William Thomas Stead.
Présentation :
1885. Scandale à Londres. Une « commission secrète » de journalistes enquête sur le trafic organisé – et légal… – de jeunes filles vierges dans lequel sont impliquées les élites victoriennes. Immédiatement traduit en français, Le tribut des vierges est le livre fondateur du journalisme moderne.
En 1885, à 36 ans, le journaliste W. T. Stead a fait de la Pall Mal Gazette le pilier du parti libéral. Ses campagnes d’opinion et ses enquêtes bousculent l’Angleterre victorienne. La plus célèbre de celles-ci, The Maiden Tribute To Modern Babylon (le tribut des vierges de la Moderne Babylone) fut menée dans les milieux de la prostitution enfantine avec l’aide de collaborateurs du journal. À l’époque, la loi fixait à l’âge de 13 ans la majorité sexuelle des jeunes filles.
Avec ses enquêteurs, Stead décrit les filières qui permettent d’obtenir des fillettes vierges auprès de tenancières de maisons closes ou de respectables maquerelles indépendantes. Une visite et un certificat médical officiel garantissent la qualité du produit. Au-delà des faits l’enquête s’intéresse aux mentalités. Stead recueille des propos et des témoignages auprès de tous les acteurs de ce « labyrinthe » du crime.
Avis :
Un livre qui fait à peine écho à l’actualité…
Et pourtant, il date de 1885 ! En pleine époque victorienne.
Ce texte est en réalité un reportage, retranscrit ici tel quel (en français). L’auteur, Stead, présente à une société médusée tout un système de prostitution et de vente de jeunes filles vierges (généralement pour de riches payeurs, mais était-ce nécessaire de le signaler ?).
Quel scandale ! Outre de mettre en évidence toute l’organisation des racoleuses pour livrer de la vierge, le journaliste dénonce la complicité des sages-femmes, voire des médecins qui délivrent des certificats de virginité ! Et il va sans dire qu’un médecin n’a rien à voir avec la « faune » des quartiers sordides de Londres.
Encore pire, il n’hésite pas à revenir sur les méthodes des clients pour prendre possession de leurs « marchandises » : dragues, cave isolée et insonorisée. Bref, tous les éléments d’un film de la Hammer avant l’heure et en plus sordide.
Mais là où Stead double son scandale, c’est qu’il met en cause directement le gouvernement qui ne protège pas les jeunes filles « innocentes » puis qu’à l’époque la maturité sexuelle des jeunes filles est de 13 ans ! (Certains pourris d’aujourd’hui auraient bien aimé que cela continue si vous voyez qui je vise). Et donc qu’il était possible de « prostituer » des gamines de ces âges. À noter au passage qu’à 13 ans, il est légal de les avoir dans son lit, mais qu’à 16 ou 17 ans, ce sont des mineurs devant la loi. Paie ta logique !
Il va s’en dire que la société victorienne, face à ses révélations, n’a pas beaucoup appréciée. L’auteur ira en prison pour ses propos. Mais ce qui l’a aussi conduit en prison, c’est que son équipe et lui n’ont pas hésité à « entrer » dans le système pour découvrir toute l’organisation de ce trafic. Imaginez donc un journaliste qui dénonce quelque chose alors qu’il y a participé (bien n’est pas dit que l’auteur ou son équipe est couchée avec une gamine ceci dit).
À la lumière de l’actualité, je me dis que rien n’a beaucoup changé. Il existe toujours des réseaux de prostitutions et de pédophilie qui « achètent » des jeunes filles (non, ce ne sont pas des jeunes femmes) pour assouvir un plaisir de domination malsain.
Si le reportage est intéressant, il est dommage qu’il n’ait pas été plus « encadré » par des éléments pour mieux saisir sa portée à l’époque. On s’en doute un peu quand on connait vaguement la société victorienne, mais replacer cet article dans un contexte politique, social et juridique aurait été bienvenu.
Un livre particulier qui n’est pas pour tous les publics. Non qu’il soit vulgaire – retenue victorienne oblige —, mais comme le reportage est seul, il n’apporte pas grand-chose à un lecteur·trice standard. Je le conseillerais plus aux personnes qui s’intéressent au monde victorien et à tous les terribles sujets de la prostitution et de la pédophilie (histoire de dire que non, il n’y a pas plus de pédophiles aujourd’hui qu’hier).