« Les chamanes de la préhistoire, texte intégral, polémiques et réponses » est un essai de Jean Clottes et David Lewis- Williams.
Présentation :
Partout dans le monde, à toutes les époques, les hommes ont cherché à entrer en contact avec les esprits par l’intermédiaire des chamanes et de leurs voyages pendant la transe. Il était donc légitime de chercher à discerner la part de ces pratiques dans l’art préhistorique des cavernes. Paru en 1996, le livre Les Chamanes de la préhistoire a fait date : sans constituer le chamanisme en explication unique, il avance des hypothèses et ouvre des pistes intéressantes. Accueilli avec passion en France et àl’étranger, il a aussi trouvé des détracteurs et fait naître des polémiques.
Avis :
Je voulais y croire.
L’art préhistorique en grotte, cette grande énigme. Beaucoup de théories ont été avancées au court du temps pour essayer de comprendre le pourquoi. Je ne suis pas spécialiste ni de l’art pariétal ni du paléolithique. Mais au cours de mes lectures, j’ai découvert beaucoup d’hypothèses, mais je ne suis pas vraiment parvenu à les trouver convaincantes.
Le chamanisme, proposé par Jean Clottes, au premier abord, paraissait pertinent. Mais encore fallait-il « prouver » ou du moins proposer des arguments assez forts pour que cette théorie tienne la route. J’étais bon public, car j’aurai aimé y croire… hélas, il va falloir plus que cet ouvrage pour me convaincre.
Vous l’aurez compris, je suis plutôt « déception » après sa lecture. Le livre se compose de deux parties. Une première sur l’hypothèse de pratique chamanique pour expliquer l’art pariétal ; une seconde sur la réception de cette théorie dans le milieu scientifique.
Cette théorie du chamanisme, j’aurai aimé qu’elle soit supportée par une argumentation solide liée à la méthode scientifique. Hélas, ce n’est pas du tout le cas ici. J’ai trouvé l’ensemble de l’ouvrage faible et sans fondement solide (et comme je l’ai dit, je ne suis pas experte et je voulais y croire). En lisant, je n’ai pas l’impression que Clottes connaissent vraiment les pratiques chamaniques. Ce qui est étrange, car son coauteur, Lewis-Williams est un bon connaisseur de ces pratiques chez des populations sud-africaines. L’ensemble me parait bien limité et restreint.
Les comparaisons avec des populations plus proches de chez nous me semblent aussi comme un point faible de l’ouvrage. La comparaison ethnographique peut être un outil pour expliquer certaines choses, mais il est toujours à prendre avec des pincettes. Ici, je trouve qu’elles sont bien trop utilisées alors que le cadre géographique est éloigné.
Bref, je ne vais pas m’étendre, mais cet ouvrage manque vraiment de profondeur. Et j’en suis bien la première déçue.
La seconde partie est à double tranchant. D’un côté, elle a un aspect « ouin-ouin les gens sont méchants », mais d’un autre elle montre aussi les profondes discordes ainsi que les mauvaises manières du monde scientifique.
Ouais, la réception de cette théorie a été mal accueillie, mais comment s’en étonner ? Si même moi, qui ne suis pas spécialiste, ne parviens pas à trouver l’argumentaire solide, que dire de celles et ceux qui travaillent sur le sujet au quotidien ! Sans parler des experts du chamanisme.
Cependant, Jean Clottes n’est pas le dernier des lurons sortis d’on ne sait où qui propose une théorie complètement fumeuse de base (ce n’est pas un mec qui cherche à prouver que Gergovie, Bibracte et jesaisplusquelleautreville sont les derniers sommets de l’Atlantide). Et j’avoue que les réactions sont parfois justifiées, mais parfois je trouve que l’affrontement entre personnes prend trop le pas sur le scientifique. Hélas, c’est aussi ça le monde de la recherche, des rivalités crasses.
Quoi qu’il en soit, il faut bien avouer que cet ouvrage, même si je l’ai trouvé intéressant (et pas forcement pour son contenu, mais comme une partie de l’histoire de la recherche) n’est pas assez scientifiquement construits et argumenté pour faire de la théorie de la pratique chamanique une hypothèse problème à l’art pariétal.
Et je suis bien désolée pour Jean Clottes (et son coauteur), mais je comprends très bien qu’il se soit fait rentrer dans le lard à l’époque de la sortie de ce trop court livre (article).
Malgré mon envie d’y croire, il va falloir me convaincre (si cela est possible)…