« Les Seigneurs de Bohen » est un roman d’Estelle Faye.
Synopsis :
« J’avais seize ans quand j’ai quitté la steppe. Mais je ne vais pas vous narrer mon histoire. Je ne vais pas non plus vous relater les exploits de grands seigneurs, de sages conseillers, de splendides princesses et de nobles chevaliers. Je croyais, quand j’étais jeune, que c’était dans ce bois qu’on taillait les héros. Je me trompais. Je vais vous narrer les hauts faits de Sainte-Étoile, l’escrimeur errant au passé trouble, persuadé de porter un monstre dans son crâne. De Maëve la morguenne, la sorcière des ports des Havres, qui voulait libérer les océans. De Wenceslas le clerc de notaire, condamné à l’enfer des mines, et qui dans les ténèbres trouva un nouvelle voie… Et de tant d’autres encore, de ceux dont le monde n’attendait rien, et qui pourtant y laissèrent leur empreinte. Leur légende. Et le vent emportera mes mots sur la steppe. Le vent, au-delà, les murmurera dans Bohen. Avec un peu de chance, le monde se souviendra. »
Avis :
Un roman sympathique.
J’avoue qu’il y a beaucoup de choses à dire sur ce roman. Je pense que je vais en oublier, mais j’ai passé un bon moment de lecture. Sa lecture était étrange, par ailleurs, parce qu’en découvrant les personnages, j’avais l’impression de revoir l’autrice, aux Imaginales 2016, clamer haut et fort ce qu’elle voulait dans les romans de fantasy, surtout en ce qui concerne les femmes. Bref, Estelle Faye l’a dit et Estelle Faye l’a fait.
Je crois que le premier point fort de ce livre, c’est son univers. Et cré vingt’dieux que j’aurai voulu en savoir plus ! Ce n’est pourtant pas mon genre de me plonger dans les univers, mais l’autrice parvient à parfaitement jouer avec les mentalités de son propre monde. Bref, elle développe parfaitement bien « l’univers mental » des protagonistes. Cela donne de la force à l’ensemble et permet de bien appréhender certaines aspirations ou mêmes actions.
De plus, elle offre des régions variées avec des éléments sociétaux très différents. Parfois, l’on ressent beaucoup les influences (la comparaison entre les Juifs et les Essenes). Ceci dit parfois, cette proximité m’a un peu gâché le suspense (j’ai très vite compris ce que le duo Wens/Janosh ferait lors de l’affrontement final).
Mais j’aurais tellement voulu en savoir plus sur la Magie et les divers magiciens. En effet, j’avoue avoir été un peu déçu de ce côté-là. Surtout que, c’est même perturbant de le dire, j’aurai voulu plus de personnages masculins pour aborder ce domaine. Pourquoi les changeforme ne semblent-ils venir que de la steppe par exemple ?
Le second point fort de ce roman, ce sont ces personnages. Je pense franchement qu’il y en a pour tous les gouts. On sent la volonté de l’autrice de mettre en avant les personnages féminins, mais aussi des gens d’horizons et de croyances différents. Sans parler des sexualités.
Elle propose une belle palette où chacun trouvera son bonheur et son perso à détester.
Personnellement, j’en dirais pas forcément plus, mais mon personnage préféré meurt ! Merci ! Ca change de d’habitude lol ! Sinon, j’avoue une affection particulière pour l’Empereur ou encore pour Sorenz (probablement l’être le plus complexe de l’histoire ; ce héros de byline… Illya Mouromets, sort de ce corps !). Mais aussi pour Sélène. J’avoue par ailleurs avoir beaucoup aimé le traitement de ce personnage tertiaire. Dans un premier temps surtout évoqué par son frère, on se rend vite compte qu’il nous en donne une mauvaise vision, par affection fraternelle. Bref, j’ai adoré cette femme.
Ah puis la petite, Sigalit ! Une super évolution de ce personnage ! C’est pour moi le personnage le plus porteur d’espoir.
Par contre, j’avoue avoir eu plus de mal avec Maëve. Bien que ses rêves et aspirations puissent être les miens, je n’aime pas forcément sa mentalité. Surtout que je l’ai pris en grippe dès le début avec sa manière de s’apitoyer « non, mais je suis moche et une mauvaise morguenne, bref je suis imparfaite, et Lantane, ma copine est belle, forte, parfaite ». Argh ! Et dire que toutes les nanas qu’elle croise ont envie de coucher avec elle… Pffff des baffes se perdent. Et c’est dommage, car Lautane est bien plus intéressante, mais n’est qu’un personnage tertiaire.
Au final, dans la palette, la figure principale de Saint-Etoile parait parfois un peu fade. Avec Morde, il forme un super duo (ou pas), mais j’aurais tellement aimé le voir plus en scène. Je trouve qu’il se perd un peu trop dans sa romance. Et puis, la fin nous laisse tellement d’espoir de le voir de nouveau en action…
Mais quoi qu’il en soit, rendons à Estelle Faye ce qui est à César, tous les personnages subissent des évolutions et ne restent pas figés. Et c’est cool.
C’est un peu moche à dire, mais au final, la moins bonne chose dans ce livre, c’est l’histoire. Et pourtant, elle est bonne. Mais elle reste, d’une certaine manière, assez classique avec l’effondrement d’une époque.
Pourtant, j’ai été prise par les destins des personnages pour la conquête du pouvoir, de la liberté (aussi bien physique que sexuel) ; la volonté de faire s’effondrer les mensonges qui ont bâti un empire ; comment mettre à bas une religion qui oppresse et cherche à reprendre la main…
Souvent, il y a des échos à ce que l’on vit actuellement. Et souvent, je me disais que j’aimerais être un tel ou une telle pour faire aussi chaviré mon monde.
Cependant, j’ai trouvé que le rythme du récit est un peu mou, manque un peu de dynamisme. De plus, j’aurai aimé plus de choses « épiques ». Mais heureusement, la plume – superbe — de l’autrice fait couler les destins avec la douceur d’un ruisseau.
Bon, après, même s’il y a des petits défauts cachés à droite à gauche, le roman se laisse dévorer sans soucis.
Bref, j’ai passé un très bon moment avec ce roman très riche. Peut-être un peu trop pour un seul tome d’ailleurs (et même si c’est un gros bébé de 600 pages). Et surtout, on ne peut que louer l’autrice qui prouve qu’on peut faire de la bonne fantasy en incluant de la diversité (sur tous les points). J’espère ce que c’est le premier pas vers une fantasy plus riche de ses différences et hors des sentiers plus qu’éculer depuis des lustres.
À découvrir.
(2/6)